- 28 août 2023
- Par admin
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Rappel du contexte
Dans le souci de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le Cameroun a pris un certain nombre de mesures parmi lesquelles « l’accès à l’eau potable » pour tous occupe une place importante. Le pays s’est donc engagé depuis plusieurs années dans un processus de gestion intégrée de ses ressources en eau, dont l’objectif est de mettre en place un cadre national cohérent de gestion des ressources en eau qui facilite la valorisation et la gestion coordonnées de l’eau et des ressources naturelles.En matière de fourniture d’eau potable, des efforts louables sont réalisés par la mise en place des ouvrages d’eau sur toute l’étendue du territoire, mais l’épineux problème reste celui de la qualité des eaux. En l’absence de normes nationales, ce sont les directives de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui sont en vigueur. Dans le même temps, l’OMS s’abstient de promouvoir l’adoption de normes internationales pour la qualitéde l’eau de boisson, principalement en raison des avantages procurés par l’application d’une démarche risques/bénéfices (qualitatifs ou quantitatifs) dans la définition des normes et des réglementations nationales. C’est-à-dire que chaque pays à ses propres réalités et il lui revient de mettre au point des normes concernant les substances d’importance majeure pour la santé publique et de procéder à la surveillance de ces substances. Parallèlement au problème précédemment évoqué et malgré les efforts consentis pour fournir de l’eau potable aux populations, des particuliers se lancent dans la réalisation de forages d’eau privés. Si ces initiatives contribuent à soulager les peines des populations
dans les secteurs non couverts par les réseaux publics de distribution d’eau, elles ont pris des allures inquiétantes depuis dix (10) ans.
En effet, les prélèvements anarchiques et soutenus contribuent à la surexploitation des ressources en eau souterraine. Il s’y ajoute que la majorité des forages réalisés ne sont pas déclarés aux autorités ce qui rend très difficile le suivi, la gestion et la planification de la
ressource en eau. Par ailleurs, l’inexistence d’un cadre unifié d’interventions et la pression soutenue, anarchique et incontrôlée faite sur les ressources en eau expliquent à suffisance l’intérêt du ministère de l’eau et de l’énergie de se doter de guides de références pour la réalisation des ouvragesdestinés à l’alimentation en eau potable des populations.
En effet, Il y’a une multitude d’acteurs et d’initiatives connues ou inconnues, qui opèrent certes pour l’amélioration de l’accès à l’eau potable mais selon souvent des approches qui n’obéissent à aucune règle ou procédure préétablie. La plupart des acteurs ignorent les textes et règlements qui régissent le secteur d’où l’intérêt de disposer d’un outil pour harmoniser les interventions dans le secteur et définir les procédures de conception, d’exploitation et de suivi des ressources en eau souterraine à travers la réalisation des forages.
En outre, l’identification des différents acteurs et des projets d’approvisionnement en eau, permettra une meilleure connaissance des prélèvements effectués sur les ressources en eau souterraine et une maîtrise de l’évolution du taux d’accès. Dans ce contexte, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a fourni une assistance financière aux fins de la mise en œuvre du projet d’élaboration de normes nationales et guides d’intervention dans le secteur de l’eau afin de limiter l’impact négatif des prélèvements anarchiques et des aménagements hydrauliques sur les ressources en eau et la santé des
populations.
Dans ce cadre trois documents ont été élaborés :
• un guide technique de réalisation, de protection, de gestion et d’abandon des
forages d’eau qui constitue le premier volume du guide méthodologique destiné à
la diffusion publique ;
• un guide d’évaluation des demandes, des procédures de surveillance, de sanctions
et de spécimens des documents accompagnant ces différentes procédures
correspondant au second volume dudit guide qui est destiné à l’Administration ;
• et un projet de normes de qualité des eaux de boisson.
Cet article correspond au premier volume du guide méthodologique dont la conception se réfère aux orientations et directives formulées dans les termes de référence en vue de permettre une meilleure coordination des actions et une meilleure cohérence des approches des différents intervenants. Il s’appuie sur les termes de référence de la mission qui comportent une déclinaison détaillée d’éléments qui structurent la démarche de mise en œuvre du document qui renferme les formalités à remplir avant la réalisation d’un forage, les techniques de réalisation, de gestion et d’abandon d’un forage.
TECHNIQUES DE REALISATION D’UN FORAGE D’EAU POTABLE AU CAMEROUN
Les eaux souterraines sont captées par les puits, forages ou par l’aménagement d’une
source. Le choix entre ces différents ouvrages obéit à des critères techniques et socioéconomiques, fonction souvent :
• des conditions hydrogéologiques;
• des besoins en eau des populations ;
• du budget disponible pour la réalisation et l’exploitation.
Dans cette partie, le champ d’application du guide se limite à l’étape de l’implantation dufutur forage et aux techniques de réalisation à adopter pour éviter la pollution de la ressource en eau à partir du forage.
1. Implantation
Les études hydrogéologiques permettent de situer un emplacement possible du futur forage. Les facteurs déterminants à prendre en compte lors d’une implantation d’un nouveau forage sont énumérés ci-dessous :
• conditions géologiques et hydrogéologiques ;
• résultats de la prospection géophysique s’il y’a lieu ;
• conditions d’accès à la ressource (si possible ouvrage muni d’un tube guide par lequel on peut faire passer une sonde pour les mesures de niveaux d’eau et permettant également le prélèvement d’échantillons d’eau brute) ;
• accès pour les équipes de construction, d’entretien et de contrôle des ouvrages ;
• risque de contamination (loin des latrines, fosses septiques, décharges d’ordures,enclos à bétail, cimetières, dépôts de carburant…..) ;
• risques sur l’environnement, sur les captages existants (interférence avec d’autres sources d’eau souterraine et leurs usages) et futurs (biseau salé, surexploitation..) ;
2. Mode opératoire
Il existe plusieurs techniques de réalisation de forages qui dépendent essentiellement des caractéristiques géologiques des terrains, la profondeur prévisionnelle à atteindre et le diamètre de foration.
2.1 Forages au Rotary au Cameroun
Cette technique est utilisée dans le sédimentaire, dans les terrains tendres consolidés ou non. La profondeur d’investigation est importante et rapide. Le rotary est une méthode qui applique la rotation et le broyage. Les déblais sont entraînés vers la surface par la circulation d’un fluide de forage, en général de la boue de forage, dans l’espace annulaire entre le terrain et le train de tiges. La boue en surface est tamisée et reprise par une pompe pour être réintroduite dans le train de tige. La boue de forage est adaptée aux terrains traversés en jouant sur ses principales caractéristiques : densité et viscosité.
L’exemple d’une coupe technique illustrant la foration dans le sédimentaire est indiquée
ci-dessous :
Figure 1 : exemple de coupe technique dans le sédimentaire
2.2 Forage au Marteau Fond de Trou au Cameroun
C’est un procédé très efficace dans le socle (dans les terrains durs et homogènes). Le Marteau Fond de Trou (MFT) fonctionne à l’air comprimé par percussion d’un taillant assorti d’une poussée sur l’outil qui se trouve lui-même en rotation. Les forages réalisés avec ce procédé captent l’eau des fissures ou des altérations contenues dans des formations de roches dures sous un recouvrement d’altérites généralement inférieur à 40 mètres et exceptionnellement supérieur à 60 m. Dans ce type d’aquifère, on obtient les meilleurs débits dans la partie fissurée de la roche saine et plus rarement à la base des altérites.
L’exemple d’une coupe technique illustrant la foration dans le socle est indiquée cidessous :
Figure 2 : exemple d’un forage réalisé au MFT dans le socle
2.3 Relevé des échantillons de formations traversées
Les techniques de collecte des échantillons ou cuttings sont variables suivant les opérateurs et les techniques de forages (tamis vibrant, fosse de décantation, cuillère…). A titre d’exemple, dans le cas d’un forage réalisé dans le socle par Marteau Fond de Trou, les échantillons remontent avec le flux d’air expulsé du forage et sont recueillis dans un seau. Dans le cas d’un forage réalisé dans le sédimentaire avec la méthode Rotary, les échantillons remontent avec la boue, passent à travers un tamis vibrant et sont recueillis
dans une petite fosse de collecte pendant que les boues s’écoulent vers la fosse principale
ou bac à boue.
La description des échantillons est faite en fonction du changement de faciès (tous les 1 à 3 mètres éventuellement). En règle générale, les prélèvements se feront :
• à chaque mètre ;
• à chaque changement de terrain ;
• à chaque zone d’avancement rapide (supposée de fractures) ;
• à chaque arrivée d’eau.
Ils seront représentatifs de tout l’intervalle entre deux prélèvements. La description des échantillons consiste à identifier la couleur des roches, la texture, la dureté et le type de formation traversée. Par exemple la description des échantillons prélevés dans un forage effectué dans les roches sédimentaires pourrait être la suivante :
0-2 m : argile dure noirâtre
2-4 m : sable plus ou moins argileux
4-6 m : sable fin beige
6-10 m : grès blanc partiellement compacté, grains moyens à gros
2.4 Sécurisation du forage et de la ressource en eau au Cameroun
« Un même ouvrage ne peut en aucun cas permettre le prélèvement simultané dans plusieurs aquifères distincts superposés. »
« Afin d’éviter tout mélange d’eau entre les différentes formations aquifères rencontrées, lorsqu’un forage, puits, sondage ou ouvrage souterrain traverse plusieurs formations aquifères superposées, sa réalisation doit être accompagnée d’un aveuglement successif de chaque formation aquifère non exploitée par cuvelage et cimentation. »
2.4.1 Isolation dans les nappes superposées
En zone sédimentaire, certains niveaux aquifères jugés improductifs ou renfermant une eau de mauvaise qualité peuvent être traversés sans être captés. Dans ce cas de figure, l’ouvrage est réalisé en télescopique avec une cimentation au niveau de la couche imperméable séparant les deux nappes.
Les modalités de foration à mettre en œuvre pour isoler la nappe supérieure vulnérable aux pollutions et susceptible de contaminer la nappe plus profonde est illustrée par le schéma
suivant :
Figure 3 : forage traversant une nappe supérieure et captant une nappe plus profonde
(source BRGM)
2.4.2 Isolation dans une nappe libre et dans le socle au Cameroun
Dans le cas des nappes libres, la foration se fait en monolithique et un seul diamètre jusqu’à la formation aquifère. Les procédés d’isolation consistent à injecter par la base un ciment jusqu’à 5 m de profondeur et juste au-dessus des crépines mettre un packer ou joint d’étanchéité pour éviter les venues de ciment dans l’aquifère et dans le massif filtrant.
En zone de socle, la cimentation de l’espace annulaire est également faite sur une profondeur de 3 à 5 mètres. D’une manière générale, les six (6) premiers mètres de l’espace annulaire en surface serontcimentés après développement du forage afin de rendre étanche l’espace annulaire et empêcher la pollution par les eaux de surface et ancrer la colonne dans le terrain.
A titre illustratif, les modalités d’isolation dans le sédimentaire et dans le socle sont présentés ci-après (les niveaux mesurés sont à titre indicatif) :
2.4.3 Isolation dans une nappe artésienne au Cameroun
En zone sédimentaire, dans le cas des nappes captives, on peut être en présence d’un forage artésien où la pression de l’aquifère est telle que l’eau jaillit par sa seule puissance à la surface du sol. Le mode opératoire préconisé dans ce cas de figure est d’alourdir la boue en augmentant la densité de la boue et le poids sur l’outil afin que le cake ne se détériore pas à cause de la forte pression. Cette technique permet d’éviter les infiltrations risquant de polluer la ressource.
En zone de socle, dès qu’on arrive au toit de la nappe captée, on procède également en augmentant le poids sur l’outil du MFT. On utilise souvent un tubage en acier ancré dans la roche à l’aide d’un sabot d’enfoncement afin d’éviter les infiltrations d’eau de surface.
Dans tous les cas de figure, le forage artésien doit être scellé à l’aide de la bentonite pourassurer l’étanchéité de l’ouvrage.
2.4.4 Protection en surface des forages d’eau potable au Cameroun
Une mauvaise isolation est susceptible d’entrainer une contamination des nappes à partir de la surface comme l’indique l’encadré ci-après.
Afin d’éviter tout risque de détérioration, les ouvrages seront fermés aussitôt après les opérations de développement. L’extrémité supérieure de la colonne de PVC, dépassant le niveau du sol de 50 cm au moins, sera fermée par une tête de forage constituée d’un capot métallique cadenassé sur le tube hors sol. Les figures ci-dessous illustrent les procédés à mettre en œuvre pour effectuer un parfait isolement du forage et les mauvaises pratiques à ne pas faire :
Hauteur de la rehausse respectée (à gauche) et non respectée (à droite)
2.5 Développement des forages d’eau au Cameroun
C’est une étape importante qui permet d’éliminer la plupart des particules fines du terrain et du gravier filtre qui pourraient pénétrer dans le forage ainsi que la boue de forage utilisée durant la foration. Notons que l’utilisation d’additifs dispersants (polyphosphate) peut faciliter la dissolution de la boue de forage. Son but final est d’obtenir une eau sans sable en opérant comme suit :
• nettoyage : éliminer les corps étrangers dans l’ouvrage (boue, déblais..) par air-lift (injection air sous pression), par jet sous pression ;
• réparer les dommages causés par les opérations de foration à la formation aquifère (colmatage) ;
• augmenter la perméabilité de la formation (extraction des fines particules et agrandissement des fissures), autrement dit augmenter la productivité ou le débit du forage.
Il existe plusieurs procédés de développement :
• surpompage ou pompage alterné ;
• pistonnage ;
• fracturation hydraulique ;
• développement au jet ;
• développement pneumatique par émulseur d’air ;
• traitement chimique.
2.6 Analyses d’eau de forage au Cameroun
En plus de l’analyse physico-chimique in situ, chaque forage fera l’objet d’un prélèvement d’eau en fin de pompage puis transmis à un laboratoire agréé aux fins d’analyses chimiques complémentaires (anions et cations) et bactériologiques.
2.7 Essais de pompage au Cameroun
L’objectif des pompages d’essai est de vérifier les capacités de production du forage et d’évaluer l’influence du futur prélèvement sur les ouvrages situés à proximité. Ces tests de pompage constituent un préalable nécessaire à la déclaration ou autorisation du prélèvement, ainsi qu’à la garantie de bonne exploitation de l’ouvrage. On distingue deux types d’essais :
2.8 Stérilisation des forages au Cameroun (facultative)
La stérilisation des forages se limite essentiellement à une injection de solution de chlore au cours du refoulement. La solution pourra être constituée d’hypochlorite de calcium ou
d’hypochlorite de sodium. Si des composés chimiques secs sont utilisés, ils devront préalablement être dissous entièrement dans de l’eau pour former une solution chlorée uniforme. Suffisamment de solution chlorée doit être injectée dans le forage pour assurer une concentration résiduelle supérieure à 100 mg/l de chlore après brassage de l’eau. L’eau du forage et la solution doivent être agitées pour assurer un bon contact sur toute la hauteur de la colonne.
Si la stérilisation est faite à l’aide de produits de chlore sec (en pastilles ou autres), le produit devra être versé dans un tuyau perforé sur la longueur et fermé aux deux extrémités. Ce tuyau devra être descendu et remonté à l’aide d’une corde de la surface jusqu’au fond du forage jusqu’à ce que les produits de chlore soit entièrement dissous. La quantité de produits utilisée devra permettre une concentration résiduelle de 100 ppm de chlore dans le forage.
Une portion de ce produit chloré devra néanmoins être dissoute en surface puis versée sur les parois intérieures du tubage pour assurer sa désinfection au-dessus du niveau statique.
2.9 Rapport de fin de travaux de forage d’eau potable au Cameroun
Le rapport de fin des travaux du forage doit contenir obligatoirement entre autres les informations suivantes :
• la localisation de l’ouvrage (lieu et coordonnées géographiques) ;
• les coordonnées du propriétaire de l’ouvrage (nom et téléphone du propriétaire) ;
• la nature de l’ouvrage : puits ou forage ;
• l’usage de l’eau ;
• les dates du début et de la fin des travaux ;
• les dates des différentes opérations, difficultés et anomalies rencontrées ;
• les caractéristiques techniques de l’ouvrage (cimentation, diamètre des tubages, profondeur de l’ouvrage) ;
• le compte rendu des travaux de comblement des forages abandonnés s’il y’a lieu ;
• les résultats des essais de pompage ;
• les résultats des analyses d’eau ;
• la coupe géologique définitive avec indications du ou des niveaux des nappes rencontrées.
GESTION DES FORAGES D’EAU POTABLE AU CAMEROUN
Entretien de l’ouvrage
L’entretien de l’ouvrage doit se faire régulièrement (vidange, nettoyage et désinfection). S’agissant des forages situés dans les domiciles non desservis par le réseau public de distribution, le nettoyage à proximité de l’ouvrage se fait quotidiennement.
La quantification des prélèvements est consignée dans un registre et le propriétaire de l’ouvrage est tenu d’effectuer des contrôles périodiques de la qualité de l’eau par un laboratoire agréé.
Au moins une fois par an, des échantillons d’eau sont prélevés pour les faire analyser par un laboratoire agréé. Les frais de prélèvement et d’analyse sont à la charge du propriétaire de l’ouvrage.